La langue française de Belgique
作者 / 比利时布鲁塞尔自由大学 Corinne Bricmaan
Très souvent, on cite le nom de Bruxelles dans la presse internationale mais si, à l'étranger, on interrogeait les gens dans la rue pour vérifier ce qu'ils savent réellement de cette ville et du pays dont elle est la capitale, on serait très probablement étonné du peu d'information qu'ils seraient en mesure de donner. Et si on leur demandait de préciser quelles sont les langues parlées en Belgique, de présenter les questions linguistiques qui y sont soulevées depuis tant d'années ou d'expliquer les grandes lignes du fédéralisme belge, là, les réponses seraient encore plus approximatives, voire inexistantes !
Or, il suffit de consulter n'importe quel livre ou n'importe quel site Internet sur la Belgique pour prendre conscience qu'actuellement, environ 6 millions de personnes y parlent le néerlandais (pour simplifier : au nord, en Flandre), 4 millions y parlent le français (au sud, en Wallonie), qu'une minorité d'un peu plus de 71 000 personnes y parlent l'allemand (à l'est) et que Bruxelles, malgré un statut bilingue, est essentiellement francophone (à 87%).
Ce tout petit pays, où 318 kilomètres seulement séparent le nord du sud, possède trois langues officielles dont les deux principales, le néerlandais et le français, ne connaissent pas de cohabitation harmonieuse. Elles sont, au contraire, traditionnellement liées à des conflits d'ordre politique tellement graves qu'ils ont déterminé le choix récent d'un fédéralisme assez complexe. En plus de sa frontière commune avec les Pays-Bas, l'Allemagne, la France et le Luxembourg, ce tout petit pays a donc une frontière interne, culturelle et linguistique, qui suit une ligne d'est en ouest.
Cette ligne douloureuse a été officiellement établie en 1932. En réalité, elle date d'il y a très longtemps. Certains la font remonter à l'époque romaine ; d'autres, à l'époque mérovingienne ou carolingienne, moment où l'on peut constater la germanisation de certaines régions et la francisation - à partir du latin - d'autres territoires.
Si les habitants de certains pays n'ont pas les idées très claires quant aux langues parlées en Belgique, en revanche les Français y voient grès clair ! Mais les problèmes ne sont pas réglés pour autant. Au contraire, ils ne font que commencer : la réaction la plus fréquente des Hexagonaux, quand ils apprennent que vous êtes belge et que vous parlez français, est de sourire préventivement et de tendre l'oreille pour guetter les fautes que vous feriez, quitte à s'étonner et à vous féliciter si vous vous exprimez dans un français correct et sans intonation particulière !
Dans sa Biographie de la faim (Paris, Albin Michel, 2004), l'écrivain Amélie Nothomb raconte avec beaucoup d'ironie sa vie de petite belge dans les pays où son père était envoyé comme diplomate. Après une petite enfance au Japon puis à Pékin, elle relate de façon savoureuse ses succès scolaires au Lycée français de New York ; des succès qui éveillèrent la stupeur et la crédulité générales :
Les professeurs s'extasiaient et me demandaient : « Vous êtes sûre que vous êtes belge ? » Je leur garantissais. Oui, ma mère était belge aussi. Ou, mes ancêtres également.
Perplexité des professeurs de français.
Les petits garçons m'observaient avec suspicion, l'air de dire : « Il y a un truc. »
Les petites filles me faisaient les yeux doux (... ).
Arrivée deux semaines après la rentrée, une petite Française m'aima beaucoup. Elle s'appelait Marie.
Un jour, dans un élan de passion, je lui confiai la terrible vérité : « Tu sais, je suis belge. »
Marie me donna alors une belle preuve d'amour ; d'une voix retenue, elle déclara : « Je ne le dirai à personne. » (p. 112-113)
Les Français - pas tous, naturellement, mais beaucoup d'entre eux ! - ont effectivement tendance à considérer que les Belges ont une intelligence un peu lente et sommaire. De plus, ils dénoncent leur « mauvais » accent et les belgicismes dont ils encombrent leur langage, jusqu'à le rendre d'après eux incompréhensible.
Or si l’on distingue le français de Belgique du français standard tout d’abord du point de vue de l’accent, il faut souligner que, quand les Français évoquent l’accent belge, il s’agit en fait de l’accent bruxellois, un accent influencé par le néerlandais. Le « jugement » des Français naît donc d’une génération erronée, en rien conforme à la réalité. En Belgique, comme en France d’ailleurs, il n’y a pas un seul accent, mais de nombreux accents, très différents les uns des autres.
L’intensité de l’accent change bien sûr d’un individu à l’autre. En réalité, de nombreux Belges francophones n’ont pas d’accent particulier et parlent un français pur, sans affectation, mais sans qu’il s’agisse pour autant d’une volonté consciente de parler un « bon » français à tout prix et sans « fransquillonner » (pour employer un belgicisme désignant les vains efforts que font certains Belges pour imiter les tournures ou l’accent de Paris !). Ce français sans accent, neutre en quelque sorte, respecte souvent davantage la norme des manuels de prononciation que le français parlé en France ; par conséquent, il évolue moins facilement.
Le français de Belgique se différencie également du français standard par des expressions et des mots de vocabulaire particuliers. Les Belges se sont très vite rendu compte qu’ils parlaient un français différent de celui de leurs voisins. Cette prise de conscience s’est tout d’abord doublée d’un sentiment d’infériorité. À partir des années 1980, l’orientation a toutefois commencé à changer pour devenir plus philologique ; on examine les régionalismes français d’une autre façon, d’abord au Québec puis ailleurs, sans plus vouloir à tout prix les corriger et les effacer mais, au contraire, en soulignant les richesses que les particularités du français des autres régions francophones et français peuvent offrir. Désormais, le problème est de décider dans quelle mesure ces particularités entraveraient l’intercompréhension.
Les Belges ont ainsi des mots bien à eux dans certains domaines, entre autres dans ceux de l’enseignement et de la météorologie. Les belgicismes sont parfois très expressifs ; ils ont aussi l’avantage de dire en un mot ce que le français standard exprime en plusieurs mots. Ainsi, le sous-plat désigne très vite et sans équivoque ce que le Français devrait exprimer par « plateau sur lequel on pose les plats pour protéger la nappe ou la table ». À l’université, les valves, du latin ad valvas, désignent les tableaux d’affichage, tandis qu’une drache est averse violente ; les Belges qualifient souvent la drache de « nationale », puisqu’ils la retiennent comme une caractéristique du temps belge !
Du point de vue philologique, les belgicismes les plus connus sont très souvent des archaïsmes, ce qui n’a rien d’étonnant : plus une langue est éloignée de la région linguistique « pilote », comme le dit Georges Lebouc, plus elle tend à conserver des archaïsmes. D’autres belgicismes ont pour origine le wallon, dialecte anciennement parlé dans la partie latine du pays. On note aussi des flandricismes, c’est-à-dire des mots issus du dialecte autrefois parlé dans le nord du pays — la Flandre. Le français de Belgique utilise encore des anglicismes inconnus en France.
Bref, découvrir le français de Belgique ouvre des portes bien inattendues. Le mélange y est certainement une constante : un mélange qui fait intimement partie de la nature belge et de son histoire, un mélange de langues et de cultures, d’influences variées, qu’il ne faut nullement considérer comme une limite mais, au contraire, comme une richesse, une potentialité. Ajoutons pour conclure que les belgicismes peuvent encore avoir une valeur affective, étant intimement liés à des souvenirs de faits ou de personnes conservés précieusement...
— D’après Claudine Rousseau, « La langue française de Belgique » in Annamaria Laserra (sous dir. de), Album Belgique, Bruxelles, PIE, 2010, p. 53-62. △
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